La légende des pierres du Counit

Je  tiens  cette légende de Lucien Villar un ancien du village du Noyer. Lucien nous a malheureusement quitté. Je communiquais régulièrement avec lui par mail depuis la Lorraine… puis j’avais fini par le rencontrer lors du vernissage d’une exposition sur Dominique Villars. Lucien était un homme délicieux, qui, malade, se réfugiait dans les temps heureux de sa jeunesse ….

Entre le torrent de  Pétarel (sur la commune du Noyer) et le col du Noyer, on voit encore les restes d’un lieu où s’est produit il y a quelques siècles, un immense éboulement à qui l’on a donné le nom de « casses de Peyre Aigu » au pied de la falaise jouxtant le Dévoluy. Cet éboulis est descendu jusqu’ à Claret laissant sur son passage un énorme pierrier que l’on nomme « les pierres du counit »

Counit vient de la forme du coin qui sert à fendre le bois.

Sur ce pierrier resté longtemps inculte, aujourd’hui traversé par une portion du sentier Dominique Villars, poussent depuis quelques années plusieurs essences de bois.

La légende orale transmise par nos ancêtres veut que cet éboulis ait enseveli un monastère de religieuses.

Une petite histoire se racontait dans les veillées des chaumières, au début des années 1900. Pour améliorer leur menu quotidien, il était de coutume que les nuits d’hiver et par temps de pleine lune, certains hommes aillent à l’affût au gibier. Cachés dans une touffe de broussailles, bien emmitouflés contre le froid, il fallait attendre parfois de longues heures qu’un lièvre passe non loin, sur la neige, pour pouvoir le tirer.  Un renard était aussi prisé, on pouvait ainsi vendre sa peau.

Une de ces nuits, pendant  » l’espère  » un braconnier dissimulé aux abords de l’éboulis crut entendre le son d’une cloche et ce, à plusieurs reprises. Comme en ce temps-là les revenants hantaient encore bien l’imagination des gens de nos campagnes, il pensa que c’était la cloche du monastère qui sonnait lui signifiant qu’il commettait un délit. Sans plus réfléchir et cachant son fusil sous son manteau, il rentra chez lui à grandes enjambées. Tout vergogneux, il ne raconta sa mésaventure que quelques mois plus tard !

Mais tout ceci peut avoir une explication. A cette époque, l’administration avait installé un long câble relié à une cloche au refuge du col du Noyer. Elle servait aux passants en difficulté qui voulaient atteindre le sommet par temps de neige. En tirant sur cette corde, l’alerte était donnée au gardien du refuge qui pouvait alors venir en aide à ces personnes et leur permettre de franchir les congères…. Notre braconnier avait  donc dû entendre le son de cette cloche apporté par la brise venant du col, et son imagination mêlant légende, croyance et revenants l’avait fait déguerpir.

Lucien Villar

Claudette