Aimé Roux résistant dans le Champsaur

Extrait du blog de Philippe Lecourtier, avec qui j’avais collaboré Mémoire du Champsaur https://champsaur.net/aime-roux-resistant-dans-le-champsaur/

Hommage à Aimé Roux

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 Aimé Roux

Aimé Roux est né à Poligny le 6 octobre 1920  (fils de Joseph Roux et de France Sarrazin). Il a  vécu à Poligny jusqu’en 1940. Au dire de ses proches il avait un « coeur d’or », le coeur sous la main.

Son père Joseph ROUX avait fait la guerre de 14-18. Il avait été décoré de la médaille militaire et le 27 janvier 1919 son régiment l’avait félicité et cité en ces termes  « Très bon soldat a fait preuve de beaucoup de bravoure dans maintes opérations au front depuis le début de la Campagne« 

Deux de ses oncles et un de ses cousins étaient morts pendant la fameuse guerre de 14-18….

Donc, bien évidemment ce n’était pas une famille où l’on regardait sans bouger…l’ennemi envahir et occuper la Patrie….

En 39-45 ses parents habitent au dessus de Poligny au pied du mont Moutet, dans la forêt. Ils acceuillent  les maquisards qu’ils aident pour le mieux. Leur maison a vraiment servi de cache et de havre à de nombreux maquisards notamment ceux qui venaient d’autres régions.  Ils ont nourrit un  grand nombre de Résistants… (d’où sans doute… la photo de la tablée…) 

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Le 20 février 1941,  Aimé Roux s’engage dans l’armée française pour 3 ans. Il est affecté à  Orange dans le 12eme Régiment Cuirassé,  comme en témoigne son livret militaire.

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Fin 1942, le vent tourne:

 En effet, le débarquement des Alliés a eu lieu en Afrique du Nord le 8 novembre 1942. Les casernes françaises ferment les unes après les autres sur demande des allemands qui craignent à juste titre que les soldats français se retournent contre eux. Comme beaucoup de jeunes militaires en fin d’année 1942, Aimé Roux sent le vent tourner et demande un congé de 3 mois le 28 novembre 1942. Il est d’ailleurs hautement probable que ce soit sa propre hiérarchie qui le lui ai proposé.

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En 1943 :

Donc en 1943, il retourne dans les Alpes, et tout en étant soldat engagé de l’armée française il est libre de toutes ses obligations. C’est en 1943 que les militaires français en grand nombre rejoignent le maquis ……avec leur savoir faire.

  Aimé Roux a donc suivi l’itinéraire de beaucoup de jeunes militaires.

La Résistance dans le Champsaur s’étoffe  également pour d’autres raisons.

1 /  Les communistes rentrent massivement dans la Résistance car l’URSS a été attaqué par les allemands malgré le « pacte de non agression ».

2 / Mais c’est à priori l’institution du « Service du Travail obligatoire «  en 1943  qui a fourni le plus grand nombre de jeunes résistants aux FFI du Champsaur. Ces jeunes réfractaires (ça tombe bien) seront encadrés par les militaires qui rejoignent également le Maquis.


3 / On peut également citer, les jeunes alsaciens refusant d’intégrer l’armée allemande et qui rejoignent   la Résistance. Ce fut le cas à Champoléon pour 20 d’entre eux. Certains ont appris plus tard que leur famille en Alsace avait été déportée suite à leur désertion ! On se rend compte que les Allemands ne laissaient rien au hasard. Cette information m’a beaucoup fait réfléchir : entrer dans  la résistance c’était une chose, engager sa famille en était une autre …….

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Le 6 juin 1944 :

Aimé Roux s’engage dans la Résistance dans le camp de Molines en Champsaur. Il fait partie de la Trentaine Piot. Aucun doute, il est entré en contact avec ce groupe soit par proximité géographique soit par des liens d’amitié. On peut signaler à cette occasion qu’il y a eu plusieurs Trentaines dans le Champsaur. Il s’agissait en réalité de groupes 30 hommes « sédentaires », pour être plus clair des groupes formés par les habitants du coin (à la différence des militaires, des jeunes réfractaires, des alsaciens qui venaient d’autres régions de France……).

Sa formation militaire continue. 

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Trentaine Piot, avec Jean Roux à la mitraillette. L’entraînement se fait encore avec du matériel ancien (Thomson 1928). Les nouvelles armes seront parachutées sur le Champsaur surtout 6 mois avant la libération.

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 Aimé Roux. Tout est bon pour s’entrainer…même les armes de poing.

Aimé Roux

Sur cette photo j’ai été surpris par la jeunesse des Maquisards.

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 Groupe de Résistants dans la neige. Aimé Roux dans le cercle.

En 1944, la Résistance se manifeste ouvertement dans la vallée de telle sorte que les allemands se croient complètement encerclés. Ils ne s’aventurent  plus du tout dans la vallée du Valgaudemar et très peu dans celle du  Champsaur. Lorsqu’ils s’y aventurent ils attachent des hommes devant leurs convois comme bouclier humain.

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Les voies ferrées sautent, des convois d’animaux sont interceptés et rendus à leurs propriétaires, des prisonniers sont libérés de façon audacieuse, les groupes récupèrent de nuit le matériel qui a été parachuté……Les allemands demandent des renforts en haut lieu mais rien ne leurs est accordé.

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Libération de Gap le 20 Août 1944.

Liberation de Gap numerotée

Cette photo qui m’a été adressée par Mme Claudette Roux-Laurent est exceptionnelle (peut-être unique en son genre car je n’en ai retrouvées aucune sur internet). Nous avons été quatre à nous pencher sur ce cliché, chacun de nous ayant une petite spécialité. Voici les conclusions : la photo a été prise probablement le soir du 20 Août 1944, jour de la libération de Gap. Le mélange de soldats américains (5 à priori), le drapeau bleu-blanc-rouge, la bouteille de vin semblent le confirmer.  Le N° 2 est Drouot Lhermine le chef de tout le secteur des Hautes-Alpes (confirmé par sa famille). Exceptionnel !! Juste à côté de Drouot (en N°1), feuille à la main,  probablement le commandant américain. En N°4, juste derrière le drapeau,  Aimé Roux qui est au centre de notre article. En N°3 j’ai cru reconnaître un moment le capitaine Henri Baudel (surnommé Capitaine Conan) mais sa famille me l’a dementi : ce n’est pas lui. Peut-être en 17 le futur colonel Sassi (sur la photo il est sous-lieutenant).

La Libération de Gap a été un coup de bluf mais surtout un coup de tactique militaire incroyable. 700 maquisards Champsaurins gonflés à bloc ont pu encercler 1200 allemands et avoir le dessus avant l’arrivée des américains…Gap est libérée par les français. Je raconte cette libération dans un autre article. Pour le lire  cliquez ICI

Il choisit de suivre Drouot Lhermine pour harceler les allemands jusque dans le Nord-Est

Un petit rappel d’histoire :

Après avoir libéré Gap, le  Ltd Colonel Lhermine libèrera Briançon puis combattra dans la vallée de l’Ubaye auprès de la 2eme division marocaine du Général Carpentier. Il poursuivra les allemands jusque dans le Nord-Est de la France, participera avec ses troupes aux batailles d’Héricourt, Belfort, Bourbach et enfin Bischwiller. Les combats seront très rudes et 82% de ses hommes seront tués ! Lui-même sera blessé dans la poche de Belfort. Il recevra l’ordre d’arrêter les combats et de redescendre ses troupes à Valence. Aimé Roux fait partie des 18% d’hommes survivants !

 Sa fille, Mme Roux Laurent,  nous explique comment son père a pu suivre Drouot :

« Voici, à peu près ce qui s’est passé…

Pour lui, il était absolument clair qu’il fallait faire quelque chose… ne pas se laisser faire par l’occupant allemand, ne pas accepter l’occupation, bref  « libérer la France » du joug de l’ennemi.

Mon père avait su, mais j’ignore comment, que De Lattre devait débarquer en Provence et devait passer à proximité des Alpes….  Pour rejoindre la première armée, il fallait faire partie d’un maquis…. »

Aimé Roux entre donc  dans la trentaine Piot, les maquisards de Molines.  Il avait ainsi  toutes les conditions requises pour suivre Drouot Lhermine et De Lattre dans le combat contre les allemands.

Mme Laurent continue son courrier ainsi :

 » Il a donc utilisé la trentaine Piot comme tremplin vers l’Armée.

Il a fait ensuite la campagne Rhin et Danube avec le commandant L’Hermine … il a refusé un première fois la croix de guerre estimant que ses faits militaires ne suffisaient pas pour mériter cette distinction…

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 Un écusson récupéré sur une veste d’Aimé Roux restée en France. Il en était très fier.

Il a refusé une deuxième fois la croix de guerre en Indochine ….alors qu’il avait déjà « remonté » avec succès plusieurs postes militaires… là encore ce n’était pas (pour lui) suffisant pour mériter cette distinction… »

Le 31 mai 1945

Il est nommé caporal par le colonel Drouot Lhermine.  Avec ce grade il est affecté le 8 février 1945 au 159eme RIA, finalement le 26 octobre 1945 il est démobilisé : la guerre est finie.

L’après Guerre pour Aimé Roux.

Je laisse sa fille, Mme Laurent-Roux, nous expliquer la suite des évènements. Elle a perdu son papa à l’âge de 3 ans ….voici comment les choses se sont déroulées :

« Une fois démobilisé à la fin de la guerre, il est rentré à Poligny… mais la ferme était bien petite et non viable pour 6 personnes (les 4 enfants dont il était l’aîné et des parents fatigués…) Les gendarmes qui connaissaient bien la maison y ayant conduit nombre de fuyards des STO ou des gens à cacher… (Je vous rappelle que leur maison se situait au milieu des bois au pied  de Moutet)  donc les Gendarmes sont venus le solliciter pour entrer dans la Gendarmerie… Il fit donc l’école de Romans sur Isère et sorti Garde Mobile, et affecté à la 6ème LMGR à Strasbourg…

Quand il fut désigné pour partir en Indochine (partaient tous ceux qui n’avaient pas d’enfant ou bien qui en avaient 1…..) il était confiant puisqu’il allait rejoindre De Lattre qui était pour lui un modèle, il avait  fait Rhin et Danube avec lui…. et Drouot….

 De plus on leur avait dit qu’ils partaient pour faire du « Maintien de l’ordre » 

Ce fut cas la première année…mais De Lattre est mort la plus grande confusion régnait tant en France avec ses gouvernements successifs qu’en Indochine…..

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Manquant cruellement de cadre les officiers envoyèrent les Sous-officiers -qu’il était- pour remettre en état les postes de campagne et former au maniement des armes les autochtones….

Et au poste de Phuong Nai près de Phat Diem  qu’il commandait…avec pour second un légionnaire du 5eme REI   et 52 supplétifs Viets …il fut prit en nombre par le viet Minh qui était 10 fois plus nombreux…http://servir-et-defendre.com/viewtopic.php?f=52&t=257

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Il est donc fait prisonnier le 9 Novembre 1952….mais affaibli par se crises de Paludisme, un très mauvais moral, ne voyant pas d’issue à sa condition de prisonnier…..Fière de la France, il a refusé de signer le manifeste communiste…. il est décédé d’épuisement et de dépression

Il fut jeté dans la jungle sans sépulture…..

http://www.anapi.asso.fr/index.php/liberation-et-rapatriement/etat-des-prisonniers

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Maman s’est rendu 8 fois au Viet Nam, elle a tout essayé pour le retrouver…. il serait par là à droite vers les bois…..mais comment vérifier..

J’avais un peu plus de 3 ans 1/2  lorsque c’est arrivé. (lettre de sa fille).

« Je n’ai pas de souvenirs de mon papa , sauf les cris, les hurlements de ma mère tenant un papier bleu (le télégramme) reçu lors de son décès. J’avais un peu plus de 3 ans 1/2. Le souvenir également d’une grande photo sur le buffet….un personnage central , absent…en quelque sorte«   

« Je ne pouvais donc pas garder pour moi seule les documents que je vous ai fais parvenir car il me semblait que ces photos ne m’appartenaient pas vraiment… elles font partie de l’histoire d’un petit morceau des Hautes Alpes, et elles pouvaient peut-être vous aider « 

« Maintenant je me rends dans les hautes Alpes 3 ou 4 fois par an, ce qui m’amène à la « rencontre » de ma famille paternelle que je n’ai pas connue et surtout de mon papa dont je n’ai pas de souvenirs….. »

Du Webmaster.

Je remercie vivement Mme Roux-Laurent pour tous les renseignements qu’elle m’a donnés sur son père, ainsi que pour le grand nombre de photos transmises. Aucun doute cet article donne encore un éclairage différent sur la Résistance dans le Champsaur et ce qui s’est passé ensuite.